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Claudius

Scènes urbaines

Dernière mise à jour : 4 mai



Traquant le phonème entre le bruit et le mot, ou qui mène de l’un à l’autre, ou les traverse; ruminant au son des pensées, en battements, des phrases pulsées au secours de l’immédiat, l’observant, qui cherche toujours une solution au défi de l’aventure, une description propre à mesurer l’ampleur de sa diversité, détourne un instant le regard et rate sa quatrième scène de vie de la journée.



« Le rêve n’est pas la dérive, la prévision n’est pas

le voyage, le projet n’est pas la présence. »


Il voudrait pouvoir, en sublimant le présent, juxtaposer l’esprit qui observe et le pensée qui écrit, à la manière de Kenneth White.


« Je suis peut-être un élément d’une réponse à une question qui n’a pas encore été formulée, qui ne peut l’être que par un fou – et cette folie-là, on ne l’a peut-être pas encore inventée. »


Il lui faudrait trouver un véhicule, une voie de circulation, de celles qui s’abreuvent au pied des cascades, une noyade acceptable ou une esquive qui ne soit pas perçue comme une fuite.

 

Il voudrait ne pas devoir témoigner de sa recherche, des millions de pas qu’il a accumulés dans sa démarche désarticulée au milieu des graffitis, et simplement se rendre à la brise, au flanc de la montagne, au bout d'un sentier à l’écart, et là, découvrir entre les cailloux, les ronces et les herbes folles, une simple mare reflétant tous les visages futurs de son existence.

 

Pour le moment, il ne peut que parcourir l’état des lieux, dits ou maudits, aller du point halles au point baie, courtiser des tranches de plus en plus minces de géographie.

 

Il fait du paysage en versant dans l’instantané de longs regards doués d’impertinence, du trottoir vers la rue, là où les gens se suivent sans se ressembler. Il s’attable avec eux au bistrot, au café, au parc. Il déambule, assiste au spectacle au coin des toujours-jamais : Papineau sans tête, De Lorimier tombé de cheval, Mont-Royal dénudée, dans ses habits de semaine. Il écoute chacune de ces voix différentes au discours prévisible.

 

Sous un ciel mi-gris, il y a là tous les habitués, les égarés, et celui-là qui tousse, s’agite, prisonnier d'une rue qui n’est plus la sienne et qui, dans des habits quatre saisons, n’en a qu’une, la misère. Celui-là, on le reconnait, mais… le connaît-on? Qui se soucie de lui, dès lors que lui-même y a renoncé?

 

La faune habituelle des boulevards, l’air piteux, retourne à sa routine, désespérante de banalité. À se demander qui est mort et qui vit encore, et qui s’aperçoit qu’il reste des bouts du monde au-delà du soi cultivé, enflé, placardé.

 

L’observant scrute le ciel en quête de passages ensoleillés; il y en aura mais pas pour tout le monde. Pas pour celles-là, débrassiérées, mains jointes et les yeux errant dans un vide programmé, en quête de gloire facile - et factice.  Pas pour les taxis, les vélos, les locaux. Pas pour ce couple d’ados asexués, tatoués de slogans dont ils ignorent, comme à peu près tout le monde, la signification.

 

Pour qui alors? On ne le saura pas. Le charme de l’instant s’est rompu; l’envol ne dure jamais. Il ne reste plus de sa magie qu'une vision déformée à travers le squelette d'un hublot myope.


« Je me contenterai encore de mettre un pied devant l’autre, convaincu que le paradis se trouve à l’intérieur de la réalité la plus ordinaire et des états les plus normaux […], moins spectaculaire mais plus durable, moins intense mais plus dense. »


(Toutes les citations sont tirées du livre Dérives, de Kenneth White)




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